FUTURISME

Les humains ont la passion du futur, sous toutes ses formes. De la boule de cristal au bulletin météo, tout est bon pour tenter de prédire le lendemain. C’est une soif qui ne s’éteint jamais. Futur simple, proche, futur lointain, ils ont même été jusqu’à inventer le futur antérieur, pour que le passé lui aussi ait un futur. C’est fortiche. Et pas facile à conjuguer. Alors que le présent, lui, ça va tout seul, on n’y fait presque pas attention. « Je mange un chardon », quoi de plus simple. Mais « quand j’aurai mangé un chardon», ça complique la situation. Déjà ça signifie que je ne l’ai pas encore trouvé, mon chardon. Le futur antérieur me laisse sur ma faim. Et si de plus on m’explique que ce futur antérieur peut avoir la valeur d’un passé composé, je pressens que je ne suis pas près de me taper la cloche. Le chardon s’éloigne avant même de s’être approché. Ce qui m’embrouille d’autant plus, c’est que, moi qui suis fort en botanique, je n’ignore pas que le chardon est de la famille des composées. Je n’arrive pas bien à voir ce que le passé vient faire là-dedans, mais ça n’est certainement pas bon pour moi. Alors je ne sais plus de quoi sera composé mon repas, ni surtout quand il pourra avoir lieu, si le chardon que je n’ai toujours pas mangé fait déjà partie du passé, composé ou pas. Je crois que je vais me mettre à la diète, ce sera plus simple.

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